Mon vieux

lundi 24 septembre 2007, par youkou


Il a le béret haut et la canne pour monter ces collines qui dessinent le paysage. Il ressemble aux paysans d’autrefois qui n’avaient guère de soucis que de celui de s’occuper du troupeau. Le tableau. La femme réchauffe la choualate, un petit peu de lait et du pain rassis. Dans son cabanon, toute une vie, des bibelots sur les étagères, de souvenirs d’enfance où lorsque les gravir ces montagnes, était un jeu de séduction. Avec les culottes courtes, sur le flanC, ils glissaient de monts en monts. Plus grands et plus tôt dans la journée, il se levaient sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller les autres grimpeurs. Ils sortaient les mousquetons et les cordes après avoir couru à bout de souffle, air pur.

Aujourd’hui, il a gardé son couvre-chef et l’amplitude des traits du visage marquée comme un miroir face à ce cadre. Il tapisse, il couvre, il retouche, il coud. Dans les mains, il garde son art et tout son amour pour la vie. Les souvenirs ne sont plus autant présents, la mémoire, elle aussi prend de l’âge. Il gémit deux, trois couplets, pianotant l’air ou le refrain, quelques fois, il arrive qu’il ne s’en souvient plus. Mais pour paraître aux yeux de ce monde, c’est beaucoup d’imagination déployée parce qu’en oubliant, on confond même les siens. Il garde son fil, son aiguille dans le tissu en chantonnant ce qu’il peut, il s’accorde le droit d’oublier, vivre sa passion, de cette chaise qui regarda le derrière de la Haute, elle a le souvenir. Complémentaires. Il travaille à ces images qui ne furent pas les siennes et qui font toute l’importance de certaines autres vies.

Un jour il oublia même ses mots, les lettres qui les composent et la syntaxe d’une phrase, il ne pût plus rien communiquer, rien prononcer sans qu’un charabia fasse du bruit. Il lui restait ses mains pleines de générosité, mains de génie, des mains douces qui caressent la soie, des mains qui travaillent et qui nourrissent, des mains qui plaisent et qui parlent, des mains dont chaque doigté se révèle ancré et mémorisé.Il refit un lit, grand baldaquin où l’histoire des contes se répètent, de génération en génération, l’oratrice est plus douce dans l’oreille d’un enfant. Il y avaient ses hommes et ses femmes qui s’aimèrent et qui firent de tout un monde une cathédrale du souvenir et lui sans aucun le restaurait sans toujours n’en trouver aucun.

Derrière la porte, on toqua, lui apporta le souper, il se dit qu’elle était belle cette femme, belle à marier.

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