Dans ma rue

Voisinage

lundi 4 juin 2007, par youkou


En ce jour, on se décomplexe, on se relaxe, on hausse les pommettes et on sort du four le plus beau cake de l’année.
En ce jour, on festoie, à l’honneur, ton voisinage. La rue est bloquée par les tréteaux installés judicieusement en biais et instinctivement aussi, c’est à pleins poumons que le véhiculé crie son agacement. Le vent chaud secoue nos ballons et nos rubans, ils remuent pour cette liberté qu’ils n’ont pas, attachés aux barricades, ou tout comme.
Dans ma rue (ça me rappelle une chanson), c’est une suite royale de United Benetton. Les manouches, les pasteurs noirs, le vieux qui est sur la fin, rebeu, asiat, normands and compagnie. Dans ma rue, il y a les pavillons, les hlm, les gros et petits proprio. Ma rue représente la France d’aujourd’hui parce qu’il y a les jeunes qui squattent le banc à l’heure d’été et le psycho qui n’ouvre pas aux gosses pour Halloween -parce qu’ils font du bruit, ces bébètes là.
Je pense bien que ma rue ressemble de beaucoup à la tienne avec la même dose de bon ami, de partage, qu’on épie par derrière le rideau d’une fenêtre. C’est ce dernier effet qui revient de sous les décombres, des catacombes plutôt, le collaborationnisme. C’est la personne qui se demande si l’homme nu qui sourit à quelqu’un - qu’il ne peut voir par cet angle- est un homme ou une femme, en plus simple, s’il continue de lui dire bonjour vu qu’il est hétéro ou s’il fait comme si l’invisibilité existait, parce qu’il aime les hommes. Il attend un signe, une bousculade ou une embrassade, il attend que cet aimant sort de l’ombre du voisinage. Parce que s’il s’avère que ce qu’il pense est vrai, son voisin est au moins séro. Il attend.
De l’autre côté du balcon, il aperçoit Gisèle. Elle, c’est la petite vieille détestable à souhait qui méprise toutes différences. Un couple mixte vient de s’installer deux étages plus bas. Elle vit encore durant la période de colonisation, où le blanc était un suprême à la crème, riche de savoir et d’intolérance, où la case méritait béton et le noir bâton. Alors lorsqu’elle le rencontre, son indigène du premier, le nomme t-elle ainsi, elle se fond au mur, baisse le regard et prend l’immobilité absolue, si l’ascenseur arrive, elle se rue dessus et ferme derrière elle les portes avec le bouton d’urgence. Elle est réellement terrifiée que ces violeurs, assassins, voleurs et fautifs de toute la misère du peuple blanc s’en prennent à elle.
Tous les dimanches, Pasteur chante le message de Dieu, « Alleluia Djesous », gospel et diva montent sur scène, avant le barbecue et les prières. Leur petit dernier fait des écarts de conduite, et à trois heures du matin, le commissariat sonne chez la famille « aimons-nous tous les uns les autres ». Il se trouvait en plein milieu d’une rixe ça a mal tourné, un jeune est mort de ses mains.
Dans ma rue, tout le monde sourit aujourd’hui, parce qu’on fête tout l’amour et l’entraide qu’on s’apporte entre voisins. C’est du lèche-bottage c’est presque apprécié de nos jours, il faut sauver les apparences, le paraître ne laisse plus de place à rien d’autre.
J’ajoute un dièse pour hausser le ton, le bémol fait trop Malher.
Dans ma rue, il y a beaucoup de consonances étrangères, d’origines tout autres, et ce qui nous rassemble le plus, tu vas rire, …, le partage de mets. Rien que de parler d’épices et de féculents, d’aromes et de rouge, les papilles s’affolent, l’estomac bougonne, les joues s’embrument. Serait-ce ce langage universel que nous laissèrent les Anciens ? Que l’amour est bien beau qu’il faut au moins le partager et être aimé en retour. Que l’amour ne rapporte pas assez aujourd’hui pour pouvoir survivre dans ce monde, que la primauté de ce sentiment se perd, que de vivre d’amour et d’eau fraîche est d’une niaiserie infinie. Prend place la consommation de biens, se nourrir est vital à l’homme, parce qu’il est bon d’être repu en ces temps où nos mers se vident et nos animaux disparaissent. Il est bon aussi de dépenser quand ta société le permet, que l’euro est valeur quand des fusils le sont de l’autre côté. Il est bon de vouloir délivrer une personne et d’en être la patrie sauveuse quand des millions d’autres pourraient l’être, de l’autre côté, aussi. C’est la monnaie d’échange qui n’est pas toujours équitable, qui ne l’est jamais d’ailleurs.
Dans ma rue, on ne l’a pas faite, cette fête des voisins parce que tout le monde voudrait s’aimer mais personne ne l’ose, parce s’investir dans une telle quête, il arrive qu’on puisse en perdre, des ailes ….

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