éducation

Le Clos

dimanche 12 août 2007, par youkou

Connais-tu cette petite école construite sur pilotis, les murs sont en carton, pirouette cacahuette, il n’y a pas de facteur seulement des instituteurs et des enfants. On parle de « provisoire  », le gaz s’est lâchement évadé un soir de vacances et le bâtiment s’est effondré par le bout du nez.


Nous sommes en 1967, l’hiver est froid, l’été, bien sà»r, la chaleur y est accablante, dans ces remparts préfabriqués, l’amiante s’y niche aussi, dans ces recoins sans couleur alors on crie, on rit et on vit…
C’est une école maternelle et une primaire aussi, ils ont entre 3 et 11 ans les bambins, des enfants d’immigrés, de sans papier et de sans foyer, des enfants que personne ne regarde.
2006, nous sommes en France, en région parisienne, Stains, commune rouge d’un mâle sans bon paquet.
Quarante ans que ça dure ce « provisoire  », une ville s’érige petit àpetit, tout àcôté et autour, une ville dans la ville. Nous sommes en France, un homme a poignardé sa femme, dans leur vieille citroen, devant quatre gosses, les leurs ; abdulatif a huit, c’est un homme pour son papa alors il ne se lave pas parce qu’il ne sait pas, parce que personne ne le regarde et ses copains le raillent, il ne sent pas très bon, ce copain ; ils ont six ans et rentrent chez eux en rasant les murs parce que les grands leur arrachent le cartable du dos et jettent l’intérieur sur les pelouses qui ne sont plus ; àla récréation les disputes prennent fin àla cité car tout se règle là-bas par ses lois et ses injustices. Certains oublient de venir, les mamans ne se réveillent pas, la fraternité les assomme àcoup de chaise ou de robot… Il meure aussi ce gosse, il est tombé, il n’avait plus de force, un diabétique dont la maladie n’existe pas ici.
Qu’ont-ils fait ces enfants que tout le monde rejette, renie et bafoue ?
D’avoir cette école, et ça fait quarante ans que ça dure, on cache les murs avec ces misérables toiles cirées, ces immenses dessins armés contre la vie, il n’y a pas de papillon, on n’en voit pas ici, ce n’est pas éphémère là-bas, c’est l’antre de l’enfer, Belle France, tu me fais peur.
Ne rigole pas, elle existe cette école en carton, cette école qui n’a pas de nom en plein milieu d’un clos…
St Lazare, barricade de la souffrance et de la misère humaine. Il y avait ces jeunes avec l’espoir d’un monde bleu et sans nuage, ces vieux sans prétention qui avaient bien travaillé et qui ne pouvaient que s’en contenter, il y avait cette bibliothèque qui sera bientôt rasé pour ne ghettoiser dit-on, ghettoiser… Karcheriser ces ouvrages, soixante-dix mille, tout au plus, qui ne seront plus ouverts par ces petites mains, elles sont toutes sales les petites mains, blanc, noir, beurre, jaune, de tout horizon, elles sont toutes sales de toute façon.
Ils existent ces mômes qui ne pleurent plus quand ils tombent, qui sourient quand la mer caresse leurs pieds, qui baissent la tête, qui te regardent dans les yeux avec cette rage et cette violence qu’ils côtoient jour après jour.
Tu ne me crois pas, je sais, trop d’imagination et trop de haine en moi, penses-tu.
Le meilleur moyen est de le dénoncer. Les politiques ne lèvent pas le petit doigt, un seul, on n’en demande pas plus.
Monsieur le maire, tu es de gauche, pas un socialiste mais la gauche, ça représente tellement pour les gens, un beau symbole que tu es et tu gâches tout, casses tout, fermes tes yeux ça vaut mieux, un homme ne pourrait pas dormir en pensant àces gosses qui pourraient être le sien. Dors…
Ouvre les yeux, toi, mon voisin, un jour, quelques personnes se sont réveillées et il ne sera jamais trop tard, tu ne seras pas seul, mon enfant.
Une partie d’un écrit, d’un râle, parole libre…
Je te donne ma plume Momo, on te donnera bientôt les images et un jour la France se réveillera avec la gerbe aux lèvres d’avoir laissé ses gosses grandir dans de telles conditions, rappelle-toi c’est une école en carton, il n’y pas de couleurs, il y a ces familles plein de courage qui dorment àla gare pour emmener un jour leur enfant vers un monde meilleur, elle existe, je te jure, elle existe…

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