USA

Vol 63

Première rencontre

mardi 13 février 2007, par youkou

Mathieu prend le siège 12B, côté couloir.


Le personnage est à l’aise, un habitué de grandes lignes. On lui sert le déjeuner et il troque contre quelques dollars le Rouge des privilèges. Un verre pour la forme, le second pour le plaisir. Il est français, acteur à Los Angeles depuis une dizaine d’années. Il part en vacances aujourd’hui en République Dominicaine rejoindre son amie ; le Noel sous la Tour Eiffel était, à son goût, un peu trop froid.
Régulièrement, je le vois faire des allers-retours aux toilettes, quelle petite vessie ! Sotte que je suis, et lui reniflant à tout bout de champ ! Comprendre ce qu’il y a à comprendre.

Je suis le 12A, voisine, côté fenêtre, ayant tout le loisir d’admirer ce ciel qu’on ne voit que si rarement de cette façon. Au menu, une douzaine d’heures de côte à côte et de coude contre coude, le coude à coude n’ayant pas été de nécessité. Je dis « Seine saint Denis », il me répond « racaille », il me parle « Yacht », je pense « Jet set » ou quand deux mondes opposés se rencontrent. Je parle anglais comme une tarte, il le mange en connaisseur. Il rit des niaiseries sur CBS, je m’endors sur le film en V.O. Et malgré toutes ces dissemblances, on ne s’ennuie pas durant les huit heures de vol. Il me fait plutôt rire à confirmer tous ces dires sur la fausse bourgeoisie, il doit en penser autant. A Miami, c’est un bonheur de l’avoir à mes côtés, un Mathieu qui veille sur moi, il rend même l’escale de la torture très plaisante, sept heures à attendre le prochain vol. La douane américaine représente pour moi un obstacle insurmontable : après la tarte, une vraie quiche dans cette langue qui ne m’inspire même pas confiance. Sur ce que j’ai pu entendre à gauche et à droite, partis des extrêmes, l’amerloque est un tyrannique sanguinaire qui vendrait sa mère, non la tienne, pour un sac de patates. Ici ce serait la bourse et la mitraillette qui mèneraient le jeu. Diffamations ! Voilà, une seconde première, je défends le Nouveau Monde de ces accusations ! Moi, la jaune rougit de ces années Mao !
Avant de récupérer les bagages (à l’aller, il n’y en aura qu’un), je passe la douane, frontière si chèrement gardée. Alors si je te dis que le douanier était un amour ? Seriously ? Right ! Un amour que j’aurais embrassé tendrement, parfum d’amitié sur les lèvres, s’il n’avait pas été de l’autre côté du comptoir.
C’est un Dean, un Brown (minute de silence, fallait que je te case mon pote, t’étais trop fort), bref un James qui est une caricature excellente du bonhomme ricain. Blanc à la limite de la lividité, rosé sur les joues que le climat de Floride lui impose, bedonnant de toutes ses graisses gavées et empâtées que son monde lui offre à manger. Il me sourit, un sourire sincère, étonnée et ravie, je me sens, tout à coup, mieux dans mes baskets. Mathieu m’attend plus loin, James scanne mon petit doigt gauche puis le droit et me souhaite de bonnes vacances, en un tiers français, le deuxième anglais et le troisième espagnol, t’as qu’à imaginer !! Voilà je suis libre et ce n’était vraiment pas la mer à boire. Nous cherchons maintenant la zone fumeur et dehors, un briquet qui ne passe pas les contrôles. Une hispanique nous en donne un, je le garderai jusqu’à mon retour. Ici, ils ont des grosses voitures, on dit « fucking big cars » dans un « fucking big country », enfin c’est ce qu’aurait dit mon frère ! I’m kidding !
Mon compagnon d’escale repart dans trois heures, nous avons tout le temps de siffler plusieurs Corona, passeport à l’appui, je n’ai pas la tête à avoir la majorité.

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