« Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque, à te regarder ils s’habitueront  »
René Char
Salut l’ami,
Je comprendrai si tu n’as pas envie de lire…
4h32, je me retourne dans mon lit, les choses passent, les gens aussi. D’autres s’arrêtent. Je m’arrête. Je bouge, me tourne, embarque l’oreiller sous les joues rosées d’un faux saké. J’ai envie d’écrire, de déverser des pensées incompréhensibles à l’écran. C’est pas que je pense à toi, même dans mon lit, c’est que ce flot arrive jusque là .
Je pense au bonhomme qui a lui aussi marqué l’arrêt, puis s’est levé sans crier gare, je ne sais pas où il est allé, n’importe où, là où il ne devait pas, là où sa journée ne lui était pas destinée, tout simplement. Je me lève alors. Je respecte son choix, j’en fais mon deuil ce soir, cette nuit. Parce qu’il n’est pas dans la capacité de l’être de se lever au bon moment, du moins, pas tout le temps. Et prendre les bonnes décisions, mêmes mauvaises, elles sont bonnes puisqu’elles sont prises et demeurent instantanément dans le flux de la vie, des actions faites, qui ne peuvent être défaites. Ou alors tu es magicien, poète, peut-être…
C’est cette ville, elle est amour des mots et des autres, contemplation et rêve. Tout défile à nouveau, les musiques, l’air glacial, cet hiver qui fait mal, qui t’abruti le corps, et cette chaleur qui te vient aux narines comme le parfum d’un livre ancien que tu ouvres à nouveau et qui a gardé son goà »t de vie. Cette poussière brunit par les siècles.
Je suis assise aux côtés de Mr Jones, il joue de la guitare et me murmure… je ne comprends pas, je ne pourrais pas t’expliquer, je ne le veux.
Je suis les filles de joie qui font l’amour tous les jours, parole, la complainte m’entraîne dans ces fossés dont seuls les grands se relèvent.
Là aussi, au sommet de la Cordillère avec ce grand faucon qui chante, siffle.
Dis est-ce que tu penses qu’il faut arrêter là ?
Une phase, une bulle, j’aime le secret et l’impossible. J’aime l’homme trompant cette femme, j’aime les pertes et délires et le vilain petit canard. J’aime l’ami qui déverse ses pleurs sur l’épaule, qui court sans pouvoir atteindre son but. Je déteste être cocue, l’instabilité et les fouilles de l’inconscience. Je déteste ces choses difformes qui n’ont que beauté dans leur spiritualité. Comprends-tu ? Moi pas !
Pour en revenir à ce gars qui a, aujourd’hui (enfin hier maintenant), décidé de changer un couplet de sa vie, j’applaudis, qu’il aille voir ailleurs, ce n’est pas l’essentiel (pauvre madame, il ne t’appréciait pas à ta juste valeur, va…) c’est qu’il se soit levé. J’en suis encore toute retournée, admirative, témoin d’une telle scène de vie, je ne suis pas prête de l’oublier. Parce que tu en as eu, toi, des actes manqués mais rappelle-toi aussi ces actes que tu n’as pas laissés Dieu le bon vivant te dévorer, tu en as. Merveille. Tout ne va pas droit et dans ce sens unique, pas en impasse, unique seulement, un, qui ne divise rien et laisse le dividende intacte. Je suis soulagée, j’en ai la preuve.
5h30 ma foi, un peu fatiguée, mon père rentre de Nouvelle-Zélande dans deux heures, le fraternel m’attend de l’autre côté Pacifique dans 11 jours. J’ai la ch’touille (non pas celle-là !), je vais revenir encore plus rêveuse que je ne le suis, et ce monde me rattrapera avec toute folie qu’il a. Je le sais. Si tu me lis, tu sais alors que je sais et que je vois, je connais. C’est vantard, hein.
Maintenant je finis ma verveine et je mets en ligne. Tu m’intimides un peu, toi le nouveau, j’avais l’habitude d’être lue en petite quantité, tout un monde maintenant. Alors je suis un peu bécasse quand je m’y mets, je n’ai qu’à le garder sous le Word personnel, ou ouvrir un autre blog, ou aller me coucher en oubliant ce que je viens de te dire… elle est pas mal la dernière.
Mais comme je suis courageuse, que l’aventure me charme et que je ne te connais pas, va mon ami et cueille le jour…