Le toit du monde

Direction La Paz

jeudi 1er février 2007, par youkou

Pour le second vol, direction La Paz, il est 4h30 et le soleil se lève sur les nuages.


Pour le second vol, direction La Paz, il est 4h30 et le soleil se lève sur les nuages. Je reconnais facilement la serpentine du dessous, sur un pan de verdure, l’Amazone, gigantesque la façon dont elle se présente ! A côté de moi, un vieux monsieur ramène son petit-fils à Santiago, il croit que je suis japonaise, lui l’est en tout cas. Et c’est en leur compagnie que l’avion se pose, sans secousse, sur une piste de l’aéroport le plus haut perché au monde. Déjà de là-haut les paysages m’absorbent, me narguent, affrontent mon regard vierge et ce cœur à prendre. Rapt. Il est 6h30, La Paz, Bolivie et une histoire commence… Dernier passage à la douane pour cet aller, qu’il soit sans retour, je vous en prie, et c’est mon frère, de confession athée qui se présente, sous les traits d’un messie barbue. Toute excitée de ces premières aventures, de ce partage qu’il m’offre, je l’embrasse bien fort et lui raconte avec une vélocité de gazelle mes premières joies, ces premières fois. Un pied hors de l’aéroport, les klaxons, la lumière, m’abrutissent un peu, et c’est mon fils que j’appelle. Une tonalité parcourt le monde : -« allo Lulu, c’est maman… » Il souffle dans le combiné et répète en écho d’un air très gamin « Maman ». Puis là c’est ce sentiment qui revient, un rappel brutal à sa voix, qui tape fort à la poitrine, de rage, révolté et qui s’atténue, decrescendo, silence. -« Je suis arrivée au Pérou chéri ». La Paz, Bolivie, et mon frère qui me dévisage sévèrement -elle est zinzin- Je pense donc devoir quelques explications. Lulu aura cinq ans en février, il vient de découvrir que la Terre est ronde, immense et qu’elle tourne pour faire la nuit et le jour. Il sait qu’à Paris, c’est la Tour Eiffel, que les chinois ont les yeux bridés et que les noirs sont marrons, que les vacances sont en bas, là, au Portugal, et que son grand-père est à peine rentré de Nouvelle-Zélande, la petite île à côté de la grande. Alors lui expliquer que je traverserai deux pays, j’ai jugé qu’un seul nous suffirait. -« Tu es encore dans l’avion ? » Il sera pilote de ligne plus tard -« Non mon amour, nous avons atterri » Avec de grosses montagnes qui nous collaient au cul mais ça je le garde pour moi. -« Et là, tu fais du ski ? » Savoir où il a été péché cette idée, sûrement au journal de Poivre. Les taxis n’ont pas besoin d’être hélés, ils sont déjà là, agglutinés aux basques, prêts à emmener n’importe qui n’importe où. Tryo tape sur les percussions, j’imagine seulement, je n’ai pas pris cet instrument qui te chante à l’oreille, tout dans la tête « alors viens, emmène moi là-bas, donne-moi la main, écorche mes ailes ». Mon cœur est parti pour un battement en chamade pour tout le séjour. Je découvre La Paz, Chuquiago Marka en Aymara, à travers la vitre de ce taxi, il sent le renfermé, craquelé jusqu’à la moelle et les ceintures sont coincées, néanmoins j’y laisse un cadeau, une dot pour ma bienvenue, ma plus belle écharpe.
Il est 6h30 et déjà la foule est en éveil, que dis-je, en ébullition, ils ont hâte de parcourir le monde, eux aussi, alors je les vois courir, essuyer leur front, remonter les châles, tenir un enfant par la main, qui tient, lui, la fouillouse, se servir aux égouts, ils n’ont pas peur, ils n’ont pas honte, ils vivent. El Alto, je le verrai plus tard, par bus, el Alto pour les plus grands sommets de misères, parce que le vent froid souffle, cache et brûle ses doigts éreintés.
Rue Murillo, je vais passer mes plus beaux jours ici, entre Santa Cruz et Graneros, des calles, les descendre et les monter, de beau matin, jusqu’à la tombée de la nuit. Murillo, l’Hotel Solario m’ouvre ses portes. Cyril et Bettina ont rencontré au Chili, deux allemandes, Karin et Thordes : la vingtaine, fraiches et belles, enfin dire plutôt qu’elles plaisent au sexe opposé. Les filles dorment, chambre 215, trois lits d’une personne, parfum matin et coquelicot… Bettina
C’est là que pour la première fois la barrière des langues me donne une bonne talonnade. Un mélange d’allemand pour un good morning et une blonde avec l’accent américain qui me salut gentiment, manque le chewing-gum à cracher et je suis vernie. Je verrai par la suite qu’elle n’est pas si épaisse que ça, cette barrière. Le temps qu’elles se préparent et nous sommes déjà partis dans les rues. Je n’ai pas envie de dormir, l’excitation tient mon éveil plus aiguisé que jamais.
En descendant vers le marché sur Santa Cruz, ce sont les cireurs qui m’émeuvent le plus. Ils portent une cagoule à visière, on leur voit à peine les yeux, ils ressemblent à ces guérilleros en en reportage sur nos chaines télévisées sauf que eux, ils cirent. Quant à ces fameuses mamas avec leur grand chapeau vissé aux cheveux huilés et leur toile resplendissant de millier de couleurs Ma patte est lourde, je traine, j’ai mal d’ailleurs dans ces chausses qui me compressent, je commence à sentir la fatigue, 48heures que je tiens debout, la sieste est proche.

Salar de Chiguarna

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